Contes Merveilleux : Fleur de peau - Histoire en français
Bao Ping et sa jeune épouse vivaient sous la dynastie Ming. Le travail des champs était dur, alors Bao chercha laide dun sorcier qui lui procura un philtre de fécondité pour quil puisse engendrer beaucoup de garçons forts. Bien vite, le philtre fit effet, car Chikako tomba enceinte. Son ventre sarrondit et Chikako mit au monde une fille. Ce fut un choc pour Bao. Il se plaignit au sorcier, qui se contenta de répondre que le philtre avait fait son effet et le ferait encore! Chikako prénomma sa première fille Hua à cause de la tache de naissance sur son épaule en forme de fleur. Quand Chikako tomba de nouveau enceinte un an plus tard, Bao reprit espoir. Cette fois, ce serait un garçon qui grandirait pour devenir un solide gaillard. Mais de garçon, il ne fut point question, car Chikako donna naissance une fois encore à une fille. Bao et Chikako durent travailler encore plus dur pour nourrir leurs enfants. Douze ans plus tard, les Ping étaient les parents de sept filles! Bao était le plus souvent seul au champ tandis que Chikako avait épuisé sa jeunesse et sa beauté à soccuper de sa maisonnée. Par chance, les sœurs dHua savaient faire pousser les plus jolies fleurs dans cet endroit qui nétait que terre et ronces. Des fleurs aux couleurs vives et aux parfums enivrants que Bao vendait au marché situé à dix lieues de là. Quant à Hua, elle avait ordre de ne jamais approcher les carrés de fleurs, car malgré son prénom, elle semblait porter malheur à tout ce qui portait pétales. Il suffisait quelle soit présente lorsque ses sœurs plantaient leurs bulbes pour que sortent de terre des fleurs ternes et rabougries. — Par chance, elle est jolie, disait Bao. Un homme riche la verra un jour et la demandera en mariage. — Elle ne sort jamais au-delà de notre champ, comment pourrait-elle rencontrer un homme riche? répondait Chikako. Cest pourquoi, le jour de ses seize ans, Hua accompagna Bao au marché. Par précaution, le père exigea que Hua marche dix pas derrière le chariot qui transportait les fleurs! Au même moment, des émissaires de lempereur parcouraient tout le pays à la recherche dune fleur qui pourrait plaire à son jeune fils malade, lui qui souhaitait voir la plus belle fleur du monde. Lun dentre eux sarrêta près de la maison des Ping. Il ny avait aucune beauté dans ce paysage. Pourtant, son avis changea lorsquil vit une petite fille avec une fleur à la main. Une fleur comme il nen avait jamais vu auparavant. Ses pétales étaient tous de couleurs différentes, vives et chatoyantes, et elle avait une forme très harmonieuse. Lémissaire fit signe à lenfant de sapprocher dun geste impératif. — Où poussent ces fleurs? demanda-t-il. — Elles poussent dans notre maison, répondit la jeune Mei. — Les fleurs ne poussent pas à lintérieur des maisons, répondit lémissaire, irrité quune fille puisse se moquer de lui ouvertement. — Celles-ci, oui! répéta Mei. Ce sont des fleurs qui ne poussent que dans notre maison. — Montre-moi! ordonna lémissaire. Mei mena donc lhomme jusque chez elle. Chikako et les sœurs de Mei furent très honorées daccueillir un aussi haut dignitaire. Il leur expliqua ce quil cherchait. — Malheureusement, mon époux est allé au marché vendre toutes nos fleurs, répondit Chikako, déçue. — Il reste celles de notre chambre, dit Lian du haut de ses huit ans. — Et celle sur la tombe de mon oiseau, ajouta Ju. Lémissaire pensa que si les fleurs magnifiques étalées devant lui nétaient que les moins jolies, alors les autres devaient être absolument divines et ne pourraient quimpressionner lempereur! Ce qui signifiait aussi que lui-même serait généreusement récompensé. — Où est situé ce marché où se trouve ton mari? demanda lémissaire. — Cest à dix lieues dici, au village de Muzhen. Lémissaire neut aucun mal à trouver Bao et Hua. La mère navait pas menti et leurs fleurs étaient magnifiques. — Je suis Xiao Yang, émissaire de lempereur. Vends-moi le reste de tes fleurs. Si elles lui plaisent, alors toi et ta famille aurez lhonneur de venir au palais. Bao resta bouche bée, et se contenta de se courber aussi bas que possible, tandis que Hua reçut largent des fleurs. À son retour au palais, lémissaire présenta les fleurs qui avaient gardé leurs couleurs et leurs effluves enchanteurs. — Ces fleurs sont miraculeuses! sexclama lempereur. Je dois dès maintenant les montrer à mon fils. Lorsquil revint, lempereur ordonna que ceux qui cultivent ces fleurs soient amenés au palais et que le jardinier royal soit emprisonné. Lorsquon vint les chercher, Bao et Chikako nen crurent pas leurs oreilles. La bonne fortune semblait enfin leur sourire. Hua proposa de rester au village, de peur de ruiner les chances de ses sœurs de faire pousser leurs fleurs. Mais celles-ci refusèrent tout net. Ils iraient tous ensemble ou personne nirait. Aussi, cest toute la famille qui prit la route pour le palais, escortée par plusieurs gardes impériaux. Leur émotion fut grande lorsquils aperçurent le faste du palais, et encore plus grande lorsque lempereur en personne leur adressa la parole. — Qui parmi vous a fait pousser ces fleurs? demanda-t-il. — Je fais pousser celles-ci, dit Ju en désignant la rose. — Et moi, je cultive celle-là, ajouta Mei sans avoir été interrogée, ce qui lui valut une remontrance de Bao. — Et toi, demanda lempereur en désignant Hua, laquelle de ces fleurs as-tu cultivée? Hua resta muette. Cest parce quelle redoutait cette question, quelle avait voulu rester. Maintenant, à cause delle, ils allaient tous être renvoyés. — Hua a du mal à parler, dit Chikako. Mais cest laînée, et cest elle qui guide ses sœurs dans leur travail.
Lempereur fit un signe de la tête. Il comprenait limportance du chef. Puis, il fit un autre signe et la famille Ping fut escortée jusquà une chambre où Hua aperçut le fils de lempereur, tout pâle, les yeux enfoncés, la mine maladive. — Vous aurez pour tâche de produire une fleur encore plus belle que celles déjà magnifiques qui ont enchanté mon fils Heng, déclara lempereur. Je vous laisse douze mois. Cétait une menace à peine voilée. Plus tard, lorsquils furent seuls, les Ping discutèrent et se rendirent à lévidence. — Nous ne pouvons pas faire pousser la plus jolie fleur en seulement un an. — Il faudra bien, déclara Hua. Et je sais que vous êtes capables de le faire. Son épaule la démangeait. Les sœurs se mirent immédiatement au travail. Chaque nuit, dans leur chambre immense, elles priaient pour que de leur terre sorte la plus belle des fleurs. Elles avaient imaginé les plus improbables croisements et utilisé tous leurs talents. Hua les encourageait. Et son épaule la démangeait de plus en plus. Une année passa et lempereur demanda à voir le résultat. Il convoqua les filles dans la chambre de son fils. — Cest lui qui décidera, dit-il. Votre succès ou votre échec dépend de Heng.
Lune après lautre, les sœurs de Hua présentèrent une fleur au garçon dont la pâleur navait fait quempirer. Et à chaque fois, Heng disait la même chose : — Cette fleur est magnifique, mais je suis sûr quil en existe une plus belle. Enfin vint le tour pour Chen de présenter sa fleur de lotus. Cétait la plus belle fleur de lotus quon avait jamais vue. Mais Heng prononça les mêmes mots. Bao et Chikako furent désespérés. Leurs rêves dune vie plus belle pour leurs enfants venaient de senvoler. Cétait sans compter sur Hua. Elle se présenta devant Heng et lui offrit une fleur que personne ne connaissait. Ce nétait ni une rose, ni une orchidée, encore moins une tulipe ou une fleur de lotus. Chikako la reconnut pourtant immédiatement, car cette fleur ressemblait à la tache de naissance sur lépaule de Hua. Cette tache de naissance qui avait maintenant disparu. — Cest elle! sécria Heng. Cest bien elle, la plus belle fleur du monde. — Il ny en a quune seule, et elle ne refleurira jamais, dit Hua. Ses couleurs et son parfum ne sont là que pour vous.
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